Révolution et contre révolution en Iran : première partie

Socialisme et Révolution est une revue qui se donne comme tache de créer un nouveau regroupement des socialistes révolutionnaires iraniens. la présente brochure donne le point de vue d'une des tendances engagées dans la publication de cette revue

Cinq ans après le renversement du régime du Chah, les traits fondamentaux de l'état actuel de la révolution iranienne indiquent tous un repli complet du mouvement révolutionnaire. Les résultats sont clairs : tous les acquis des masses exploitées et laborieuses ont été perdus ; une dictature brutale, plus barbare que le régime du Chah, s'est rétablie; un "ordre" capitaliste sans merci est réapparu; et l'économie iranienne s'est réintégrée dans le système impérialiste mondial.

1. LA SITUATION DU MOUVEMENT DE MASSE

a ) La révolution iranienne a été marquée en premier lieu par le fait qu'elle représentait le début d'une période d'intervention directe des masses, par millions, dans la détermination de l'ordre social qui devait s'instaurer. L'étendue et la profon­deur de ce phénomëne n'avait de précédent ni dans toute la période historique antérieure en Iran, ni, d'ailleurs dans aucune des révolutions de l'his­toire moderne. Ainsi la révolution iranienne restera toujours une illustration excellente de la capacité d'un mouvement de masse en expansion d'abattre le pouvoir politique et militaire d'une dictature brutale de la bourgeoisie. Le soulèvement révolutionnaire donna naissance à de nombreuses formes d'auto-organisa­tion des masses. Le destin de la révolution allait dépendre de l'extention et du développement de ces organes, à savoir les shoras (conseils) d'ouvriers, de paysans et de soldats, les comités de quartier, etc. De nombreux secteurs de la population qui étaient restés longtemps inactifs, ont été entraînés dans les luttes, notamment le mouvement des femmes pour l'égalité des droits, le mouvement des nationalités opprimées pour l'auto-détermination, les luttes des chômeurs pour l'emploi et la sécurité sociale, le mouvement étudiant pour le contrôle du système éducatif et son indépendance de l'Etat, etc.

Aujourd'hui, tous ces mouvements et institutions indépendants ont été éliminés, soit qu'ils aient été brutalement détruits, soit qu'ils aient été convertis en instruments de répression de l'Etat en dehors de tout contrôle des masses.

Le mouvement des shoras qui malgré ses faiblesses était le plus significatif d'entre eux et résista le plus longtemps aux assauts de la contre-révolution, est désormais complètement écrasé. Son destin "légal" a été remis à une décision future de l'Assemblée islamique qui a déjà réduit ses pouvoirs par le biais de la constitution à ceux d'un organe "islamique", "consultatif" et "coopérateur" (avec les patrons) avec participation des patrons et placé sous le contrôle direct de l'Etat. S'ils étaient ressuscités dans ce cadre restrictif, ils ne seraient de toute évidence guère différents des "syndicats" corporatistes du Chah, c'est-à-dire des instruments de répression capitaliste dans les entreprises. De toute façon, aucune organisation ouvrière n'existe ou n'est autorisée par les lois de la République islamique.

b ) De par ses objectifs de classe fonda­mentaux, la révolution a été une révolte contre les injustices de la "révolution blanche" du Chah et contre la crise économique qui l'accompagna à la fin des années 1970. Cette révolution apporta immédia­tement d'importants gains sociaux et économiques aux masses dans leur grande majorité. Les ouvriers se saisirent effectivement des plus larges secteurs de l'industrie privée et de la grande industrie étatisée, et l'on assista au début de l'imposition d'un contrôle ouvrier sur la production et la distri­bution sans égal dans les révolutions récentes surve­nues dans des économies capitalistes sous-développées. L'occupation de la plupart des grand domaines par les paysans, les distributions de terre par des comités de village indépendants, l'établissement de coopératives paysannes et le contournement des entremetteurs, usuriers et autres profiteurs, ont également marqué la période révolutionnaire. Ces
traits ont continué à se manifester dans les dynamiques des luttes révolutionnaires qui se poursuivirent après la chute du régime du Chah.

Aucun de ces acquis n'a été consolidé. On peut affirmer aujourd'hui qu'aucune couche d'exploi­tés ou d'opprimés ne pense qu'elle ait gagné quoi que ce soit dans cette "révolution". Même les progrès élémentaires du niveau de vie des masses -à savoir l'augmentation plus ou moins générale des bas salaires, la réduction de la semaine de travail, l'amélioration de la couverture sociale, le logement des pauvres, etc.- ont été mangés ou éliminés. A leur place, on assiste à l'inflation galopante, au chômage massif, au rallongement de la durée du travail, à l'accrois­sement des sans-abris et a un exode toujours croissant de la campagne vers les villes.

La profonde misère de la plus grande partie des masses est sans égale au cours même des pires années des trois décennies précédentes.

c ) Le modèle politique qui se dégage des montées révolutionnaires survenues dans l'histoire moderne de l'Iran, indique que les revendications centrales des masses ont toujours tourné autour de la question des droits démocratiques. L'insurrection de février a conquis de nombreux droits démocratiques qui ont ensuite suscité des luttes qui ont marqué toute l'histoire des mouvements politiques des 80 dernières années. Pour la première fois les masses iraniennes jouissaient de droits fondamentaux de libre parole et de libre association, de la liberté d'engager des activités politiques, de manifester, du droit de grève, du droit d'élire ses administra­teurs, etc.

Tous ces acquis ont été brutalement éliminés. Ils ne sont même pas présents dans la nouvelle constitution islamique "révolutionnaire". Le niveau des libertés démocratiques actuellement exercées ou reconnues par l'Etat n'est comparable qu'à la situation qui existait avant le début du XXème siècle. Le seul "droit" reconnu par le pouvoir clérical est le droit de la soumission de tout et
de tous à la volonté arbitraire des mollahs.

Cette forme d'Etat "républicain" est si répressive qu'elle permet désormais aux nouvelles fractions bourgeoises au pouvoir d'intervenir jusque dans la vie privée des citoyens. C'est l'Etat qui décide ce que les masses croiront, mangeront ou boiront. La revendication centrale de la révolution iranienne d'une assemblée constituante authentiquement démocratique et représentant la volonté du peuple n'a pas été réalisée. A sa place, il s'est instauré un Conseil islamique des gardiens nommé par le clergé et jouissant de la faculté d'annuler tout décision qu'il considère contradictoire au code islamique. L'Iran n'a certainement pas été gouverné de façon aussi anti-démocratique depuis près d'un siècle.

Le fait que l'Etat islamique est bien plus répressif qu'une quelconque dictature capitaliste apparaît pleinement dans le traitement des femmes en Iran. On ne saurait expliquer les attaques religieuses réactionnaires contre les droits les plus élémentaires des femmes uniquement par la crise du capitalismse. Elles ont bien plus avoir avec ce pouvoir clérical particulier et son idéologie archaïque.

2. LA RECONSTRUCTION DE L'ETAT BOURGEOIS

a ) Le régime actuel qui a remplacé la dictature du Chah et tient désormais les rênes du pouvoir, s'est montré plus volontiers disposé et mieux équipé pour la tâche de déchaîner la répres­sion la plus barbare et inhumaine contre les masses opprimées et laborieuses.

La tâche historique de démocratisation de l'Etat qui incombait à la révolution iranienne a été écartée par un régime dont même l'expression démagogique "légale" affirme ouvertement qu'un seul homme, complètement en dehors de tout contrôle laïc, est le dépositaire de tout pouvoir. Dans la "républi­que" de Khomeini, aucun organe représentatif ne peut prendre de décisions qui contredise la volonté de Khomeini ou des hauts faqhih. Khomeini a le droit de décider qui peut se présenter comme candidat aux élections, d'annuler le résultat des élections, de modifier toutes les institutions sociales et politiques, de contrôler toutes les ressources socia­les, etc.

En lieu et place de la dictature monarchi­que, il existe maintenant en Iran une dictature cléri­cale qui revendique un pouvoir "divin" absolutiste et bien plus illimité. La séparation de la mosquée et de l'Etat, revendication la plus élémentaire du mouvement pour la démocratie depuis plus d'un siècle, est désormais plus éloignée qu'elle ne l'était avant la révolution constitutionnelle de!907-1909.

Le capitalisme, après avoir retiré au clergé chiite certaines des fonctions de l'Etat pendant sa période de croissance en Iran sous la dynastie des Pahlavi, a aujourd'hui recours à un régime de forme théocratique pour s'opposer à la révolution. La République islamique n'est rien d'autre qu'une forme du gouvernement dans laquelle une secte cléricale se considérant au-dessus du contrôle basse­ment "temporel" des masses, s'est proclamée maître suprême du destin de la société.

L'Etat ultra-centralisé qui avait été formé avec l'aide des puissances impérialistes après la révolution russe dans le but de bloquer les progrès du bolchévisme, avait dû s'appuyer sur un système accordant des privilèges nationaux aux Farsis en même temps qu'il éliminait complètement les droits nationaux des autres nationalités. Or, les maîtres islamiques actuels qui prétendent que l'Islam ne connaît ni frontières sacrées ni nationalités, ont fidèlement suivi la voie tracée par les Pahlavi en ce qui concerne les droits des nationalités oppri­mées de l'Iran. Dans leur conception, toute victoire des luttes de ces nationalités pour leur droit natio­naux représente une menace grave pour l'appareil d'Etat centralisé. Les Kurdes iraniens qui défendent héroïquement leur droit à l'auto-détermination, ont été menacés d'anéantissement physique total. De l'occupation militaire des zones Kurdes, le régime de Téhéran est passé au bombardement (notamment par bombes chimiques) des villages et à la destruction des récoltes, laissant des régions entière dévastées.

b ) L'importance ainsi accordée aux "appa­reils idéologiques d'Etat" n'a pas empêché le renforce­ment des instruments de répression dans des propor­tions vertigineuses. La destruction de la police secrète du Chah, de l'armée, des tribunaux militaires, etc., avaient été les objectifs les plus immédiats du mouvement révolutionnaire. Même avant le renverse­ment du régime du Chah, ses instruments de répression se sont affaiblis et désintégrés sous le coup des mobilisations de masse. Or, cinq ans après, on assiste non seulement à leur rétablissement à un niveau
presque égal à celui qu'ils avaient avant la révolu­tion, mais aussi à l'apparition de nouveaux instruments de répression encore plus formidables et qui prétendent tirer une légitimité du fait qu'ils sont "issus de la révolution". Outre l'armée et la police secrète reconstruites, il y a désormais tout un réseau d'institutions soi-disant révolutionnaires (nahads) d'une brutalité sans commune mesure avec ce qui avait cours auparavant. L'armée islamique des Pasdarans les Comités de l'Imam (police de quartier), les Andjomans islamiques (associations opérant dans toutes les entreprises et institutions), les tribunaux islamiques, la force para-militaire des Hezbolahs (adhérents au "parti de Dieu"), etc., ont leurs forces pour infliger la répression dure qu'on ait vue dans l'histoire le monde.

Toute opposition à "l'unité de la parole" (la parole de Khomeini) peut entraîner l'exécution du coupable. Au cours des deux seules dernières années, le régime islamique a exécuté 50 fois plus de militants de gauche que le régime du Chah pendant ses trente années au pouvoir. Le nombre des prisonniers politiques a été multiplié au moins par dix, la plupart étant détenus sans chef d'accusations et sans que l'on connaisse leur lieu de détention. La destruction
morale, psychologique et physique de ses adversaires politiques mise en oeuvre par le régime de Khomeini à rarement été surpassée.

c ) La taille et le pouvoir énorme de la bureaucratie d'Etat a toujours été une des cibles des luttes populaires en Iran. Ses dimensions ont atteint un point sans précédent sous le régime du Chah. En réalité, la plus grande partie de la richesse sociale était engloutie par la bureaucratie, de manière improductive. De nombreuses institution furent créées dans le seul but de légitimer les pots-de-vin "offi­ciels" qui nourrissaient la "base sociale" de la dictature. Aujourd'hui, la taille de cette bureaucratie nourrie aux dépens des masses a doublé.

L'intégration des instruments du pouvoir clérical à l'appareil d'Etat reconstruit a abouti à l'une des plus grosses bureaucraties existant dans les pays arriérés. Outre les 1,5 million d'emp­loyés "normaux" de l'Etat, il existe désormais une base clientéliste de 1,2 million de mercenaires payés par le régime. Par ailleurs, outre la soi-disant "base de masse révolutionnaire" du régime (consistant de plus 200 000 Pasdarans, 300 000 membres de comités et autres associations plus fermement établies comme les Bassidj et les islamiques), une forte proportion du clergé lui-même avec tout son réseau de suivants commensaux des mosquées, est également plus payée par 1'Etat.

L'Iran se trouve désormais dans une situation absurde caractérisée par le fait que bien que les revenus pétroliers soient remontés à un niveau élevé(23 millions de dollars l'année dernière), et bien qu'on ait mis fin à une grande partie de la consommation la plus ouvertement corrompue de l'appareil militaro-policier du Chah, les sommes réellement investies pour le développement ont décliné d'un cinquième par rapport à la période pré-révolution­naire. En même temps, les diverses fondations chari­tables des mollahs détournent deux fois cette somme pour le bien-être du clergé et de son entourage.

3. LE RETOUR A L'ORDRE CAPITALISTE

a ) On peut dire que ce qui distingue cette révolution des autres qu'a connues l'Iran réside dans son caractère social anticapitaliste évident. La plus grande partie du capital indigène a été expropriée après la révolution. Cinq ans plus tard, plus de 60% de la grande industrie iranienne reste "nationalisée". L'élimination du mouvement de masse et le rétablissement de l'appareil d'Etat bourgeois bureaucratique a néanmoins créé les condi­tions nécessaires à un retour rapide à un "ordre" capitaliste plus impitoyable, plus exploiteur, plus corrompu et plus arriéré qu'auparavant.

Une nouvelle couche de profiteurs capita­listes a emménagé et remplacé l'entourage du Chah. Cette couche, avec le soutien du clergé (avec lequel elle entretient des relations politiques et socio-familiales) et par les canaux de l'Etat a rapidement amassé une fortune immense. Ces nouvelles fractions capitalistes au pouvoir, qui se distinguent par une mentalité particulièrement bornée, sont issues des marchands du Bazaar et révèlent un penchant pour l'accaparement et la spéculation. "Profiter vite" est le credo de cette nouvelle bourgeoisie "nationaliste". Elle ne montre aucun scrupule à utiliser des formes d'accumulation barbares dans son avidité à mettre à profit les occasions dont elle était privée sous le Chah.

La pénurie des articles de première nécessité, l'inflation galopante et la surexploitation des ouvriers et des paysans pauvres sont les seules caractéristiques évidentes de ce "nouveau" capitalisme islamique. Sous l'étendard de l'Islam, les pires aspects du capitalisme attardé iranien sont devenus des lois "sacrées" et inviolables.

Le projet de nouveau code du travail laisse les mains libres aux capitalistes dans la fixation de la durée de la journée de travail, du moment que l'ouvrier individuel y a consenti par un "contrat". Le seul fait qu'il existe maintenant plus de quatre millions de chômeurs signifie que le capitalisme peut extraire autant de plus-value de ses ouvriers individuels qu'il le désire. Un comité où siègent un représentant du patron et un représentant du Ministère du Travail, aux côtés d'un "représentant" des travailleurs (qui n'est pas élu librement par ces derniers), peut annuler un contrat à la demande du patron. Aucune forme de négociation collective n'est considérée comme islamique.

Le Conseil des Gardiens de la Constitution islamique a proclamé la propriété privée, capitaliste et terrienne, comme sacro-sainte et libre de toute limitation. Les lois de réforme agraire tant vantées, mais bien maigre en réalité, lois qui instituaient la vente obligatoire de terrains des grands domaines aux paysans sans terre, ont donc été annulées car considérées comme contraires à l'Islam. Déjà, l'évacu­ation des paysans des terres qu'ils avaient occupées après la révolution, est plus ou moins achevée par la force.

Les autres propositions également démago­giques de nationalisation du commerce extérieur se sont transformées en une loi qui facilite le monopole d'un groupe de capitalistes favorables au régime sur le commerce extérieur et intérieur. Recevoir une licence d'importation est le plus sûr moyen de devenir un membre de la clique capitaliste au pouvoir. A eux seuls les bénéfices tirés de la différence entre le taux de change "officiels" et les prix du marché réels suffisent à faire du dernier des colporteurs un mécène.

Le régime islamique de Khomeini, quels que soient les griefs qu'il puisse arborer à l'égard de divers groupements capitalistes spécifiques, démontre au jour le jour qu'il est au service de
la propriété privée et d'un pouvoir de classe fondé sur l'exploitation de la majorité par une poignée de profiteurs réactionnaires. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'aujourd'hui la concentration de la propriété et le taux d'exploitation sont plus forts que jamais.

b- La rhétorique anti-impérialiste démago­gique du régime iranien a souvent attiré l'attention. Mais la réalité montre que sa dépendance économique, politique et militaire de l'impérialisme est au­jourd'hui aussi profonde, sinon plus qu'avant. Le pouvoir islamique a démontré qu'il était prêt à être aussi servile qu'il le fallait, et à payer le prix, aussi élevé qu'il fût pour rester au gouver­nement.

Un seul de tous les traités secrets oppresseurs et exploiteurs signés par les régimes Pahlavi avec diverses puissances impérialistes, un traité connu du public et massivement haï, a de fait été annulé par le nouveau régime. Mais même dans ce cas, le contenu effectif du traité n'a toujours pas été publié. Pour ne pas irriter l'impérialisme U.S., le régime iranien a fait plus. Il a annulé en même temps un traité de nature complètement diffé­rente : le traité de 1921 avec Union soviétique.

Le régime islamique a accordé des compen­sations généreuses à l'excès à tous les capitaux étrangers qu'il a été forcé de nationaliser. Et cela, bien que la plupart des compagnies concernées devaient aux banques iraniennes des sommes équivalentes à plusieurs fois leurs avoirs. Le régime a également abandonné tous les soi-disant "prêts" consentis par le Chah à des amis américains, et valant à eux seuls neuf milliards de dollars. Il n'a pas sérieu­sement cherché à faire respecter ses droits dans le contrat d'achats d'armes de vingt milliards de .dollars, conclu avec les Etats Unis, somme que le Chah avait déjà payé. Il a capitulé devant les exi­gences exorbitantes de nombreuses sociétés américaines, notamment de la Chase Manhattan Bank qui doit trois milliards de dollars à l'Iran. On estime qu'en raison de la seule occupation de l'ambassade américaine à Téhéran, Khomeini "1'antl-impérialiste" a déboursé jusqu'à neuf milliards de dollars.

Les importations Iraniennes en provenance des grands pays Impérialistes sont revenues, en valeur, au plus haut niveau qu'elles avaient atteint sous le Chah. Elles représentent maintenant plus de 90% du total. La plus grandes partie de ces dépenses est consacrée à l'achat de matières premières et d'aliments plutôt que de machines. Les sociétés mixtes avec l'impérialisme fleurissent de nouveau. Tous les biens de consommation presque sans exception produits en Iran sous licence des monopoles Internatio­naux sont payés comme sous le Chah. Seuls les noms des produits ont changé. De nombreux capitalistes étrangers ne cachent pas leur joie devant les occasions d'immenses et rapides bénéfices existant en Iran. Le seul élément qui ralentit dans une certaine mesure la pénétration des sociétés impérialistes est la situation qui reste instable, notamment à cause de la guerre entre l'Iran et l'Irak.

Il est bien connu que l'Iran dépend de l'impérialisme pour ses armes. Outre les fournis­seurs habituels américains et européens, il y a Israël, l'Afrique du Sud et la Corée du Sud. Il est clair que même pendant la "crise des otages", l'approvisionnement en armes et en pièces détachées américaines ne s'est jamais Interrompu.

c- La politique étrangère du régime Iranien est le meilleur révélateur de ses alliances internationales. Toutes les mesures concrètes qu'il a prise sur la scène Internationale allant au-delà de sa rhétorique creuse, se sont placés dans le cadre de la défense des intérêts de la réaction. Il a publiquement offert un front unique anticommu­niste à la Turquie et au Pakistan. Le régime iranien collabore déjà avec ces dictatures militaires dans le combat contre les mouvement kurdes et balouches. Il a offert des accords commerciaux juteux à ces deux plus importants alliés de l'impérialisme U.S. pour les encourager à ressuciter l'ancien traité qui liait ces trois pays sous le Chah. La politique "ni à l'est ni à l'ouest" a signifié au Moyen-Orient une convergence de la politique iranienne, malgré ses aspects contradictoires, et des intérêts de certaines puissances impérialistes. Au sein de l'OPEC, les Iraniens sont en accord total avec les Britanniques. Au sein du mouvement des non-alignés, ils se situent avec le bloc anticommuniste.

Cependant, certaines fractions nationa­listes petites-bourgeoises au sein du régime iranien ont adopté une position qui, outre leur profonde haine du communisme et de l'URSS, appelle à la non-intervention des Etats-Unis dans la région et rejette toutes les "valeurs occidentales", y compris la démocratie. Ceci a produit une tendance à l'agitation et aux campagnes contre le "Grand Satan" (les USA) et ses alliés au Moyen-Orient, tendance qui a influencé certaines des activités dirigées contre les Etats Unis, l'Arabie Saoudite et certains des Emirats du Golfe, notamment au Liban. Cependant, celles-ci ont été publiquement condamnées par Khomeini lui-même, comme ce fut le cas dans l'affaire du prétendu minage de la mer Rouge.

Sa "guerre sainte" contre le régime irakien présenté comme instrument de l'impérialisme américain et dupe des sionistes, est le dernier justificatif au nom duquel le régime de Khomeini se revendique de 1'anti-impërialisme. Or cette guerre sert au mieux les intérêts des Etats-Unis et d'Israël, qui fournissent tous les deux l'Iran, directement ou indirectement, en armes, en munitions et en pièces détachées. La présence militaire de 1'impérialisme US dans la région est directement liée à cette guerre. Grâce au régime de Khomeini, les Etats-Unis ont pu construire quatre bases mili­taires dans cette région et collaborent ouvertement par le biais de manoeuvres militaires conjointes
avec les cheikhs réactionnaires du Golfe. Cette [guerre] a également joué un rôle dans le renforcement de la position d'Israël qui, après la chute du Chah, est devenu le seul allié stratégique de l'impérialisme U.S.

La consolidation de l'Etat bourgeois en Iran et le renforcement politique du régime baassiste en Irak sont tous les deux des conséquences de la guerre. La destruction des vies humaines et de ressources économiques a profondément affaibli ces deux pays, tandis que l'impérialisme engrangeait les atouts. C'est ainsi que chaque régime est approvi­sionné dans la mesure qui lui permettra de poursuivre la guerre sans qu'on lui permette pour autant de remporter une supériorité décisive. Quatre années de guerre ont fait pencher l'équilibre des forces régionales de manière décisive en faveur de l'impéria­lisme. A l'heure actuelle c'est le régime iranien qui est le principal architecte de cette situation.

L'intérêt d'une poursuite de la guerre du point de vue de Khomeini est clair : elle justifie la militarisation de la vie sociale, la répression de toutes les légitimes revendications des masses, la consolidation des fractions cléricales les plus cyniques au sein du régime et, surtout, le retour à une situation de régime capitaliste dépendant sous couvert de la nécessité d'accepter l'aide quelle que soit son origine.

Cinq ans après le renversement du régime du Chah, les traits fondamentaux de l'état actuel de la révolution iranienne indiquent tous un repli complet du mouvement révolutionnaire. Les résultats sont clairs : tous les acquis des masses exploitées et laborieuses ont été perdus ; une dictature brutale, plus barbare que le régime du Chah, s'est rétablie; un "ordre" capitaliste sans merci est réapparu; et l'économie iranienne s'est réintégrée dans le système impérialiste mondial.